Histoire de la broderie
La broderie existe depuis une époque très reculée. La plus ancienne toile brodée connue provient d'Égypte! Il furent, tout comme plusieurs peuples méditerranéens de l'Antiquité, de talentueux brodeurs. Cependant, il nous reste peu d'exemples de broderie de cette époque, et l'histoire de cet art est difficile à reconstituer avant le VIe siècle apr. J.-C. La broderie fine se développa aussi en Perse, à Babylone, en Palestine, et en Syrie.
Mais c'est au Moyen Âge que commence la véritable histoire du point de croix. Ainsi, dans la Byzance médiévale, les habits de la cour, les vêtements sacerdotaux, sont brodés à partir de modèles d'origine persane. L'influence de l'Art byzantin allait s'étendre en Europe (surtout dans le Sud de l'Italie). On retrouve les modèles byzantins dans les broderies ecclésiastiques du Saint Empire dès le X ème siècle.La broderies médiévale la plus célèbre et la plus grande est la tapisserie de Bayeux, (d'un point de vue technique, il s'agit d'une broderie et non d'une tapisserie), réalisée au cours du XIe siècle, elle évoque, en laine de couleur sur une toile de lin, la conquête normande de l'Angleterre en 1066. Il est prouvé qu'entre le Xème et le XIIIème siècle les châtelaines, dans leurs attentes interminables, copiaient au point de croix les motifs des tapis que leurs époux, entre 2 croisades, ramenaient d'Orient. Les broderies étaient des bordures ornementales, naturellement géométriques, des ourlets et des manches de vêtements masculins et féminins.
A l'époque de la Renaissance, le point de croix se répand dans tout l'Europe et devient une des bases de l'éducation féminine, favorisée par l'Eglise, grande consommatrice pour ses propres ornements, de broderies en tous genres. C'est alors que naît le sampler ou marquoir, un morceau de tissu sur lequel les jeunes filles s'exercent à broder des grecques, des fleurs et des symboles religieux. Les marquoirs restent dans le patrimoine familial de génération en génération, s'accumulent et finissent par former de véritables encyclopédies que l'on consulte pour trouver le motif le plus adapté au travail du moment. Le plus souvent en lin, ils sont brodés avec des fils de soie ou de laine, ton sur ton, le coton étant encore très rare en Europe et les couleurs très peu nombreuses dans le commerce. Les dessins sont disposés au hasard et les samplers n'ont pas encore cet aspect de tableau qu'ils auront par la suite.En 1500 commencent à circuler les premiers schémas imprimés. Ils viennent essentiellement d'Allemagne et d'Italie, et en 1586, on publie en France "La clef des champs", un livret contenant des motifs de fleurs et d'animaux stylisés s'inspirant de l'Orient et des symboles héraldiques.
Du XV ème au XVIII ème siècle, la broderie à pris le nom de peinture à l'aiguille, broderie à l'or nué, (elle connut son heure de gloire en Italie). Des peintres tels qu'Antonio del Pollaiolo dessinèrent des scènes destinées à être exécutées par des brodeurs. Parallèlement, la broderie purement décorative continua à exister, la broderie "blanc sur blanc", exécutées sur des étoffes de lin, elles décorent les autels et les costumes paysans. En Espagne, longtemps sous domination maure, l'influence islamique se fit fortement sentir. La broderie en laine noire sur lin blanc est la plus célèbre. En Allemagne, après la réforme protestante, la broderie est utilisée pour les objets profanes et domestiques, et la broderie en laine devint très populaire.En Europe centrale et oriental, elle prospère comme un Art populaire et sert à la décoration du linge de maison. Les motifs géométriques et floraux étaient très répandus, déclinant une brillante palette de couleurs.
Au XVIIème siècle, éclate la "révolution rouge", provoquée par l'arrivée en Europe, provenant d'Amérique, de nouveaux colorants naturels, économiques et faciles à utiliser, qui permettent de teindre les fils en rouge. Toutes les broderies au point de croix deviennent alors rouges sur fond blanc. Les femmes commencent à apprendre à écrire et le marquoir, avec un, deux, trois, jusqu'à 6 alphabets différents, est une manière de s'exercer. Autour des lettres, des fleurs et surtout des symboles sacrés bien agencés : le marquoir commence à prendre une forme de tableau. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les techniques mises au point dans le passé continuèrent à être employées. Bien que les livres imprimés reproduisant des motifs de broderie aient existé dès le début du XVIIe siècle, ils n'eurent à cette époque qu'une faible diffusion. En Angleterre, les broderies sur laine se développent considérablement. Elles sont employées pour les tentures, les rideaux et couvre-lits. La broderie sur les vêtements masculins et féminins atteint son apogée durant cette période.Au XVIIIème, les dessins s'affinent et se compliquent, moins stylisés mais plus réalistes, et dans la deuxième moitié du siècle les premiers paysages apparaissent. En 1770, le Français Charles Germain de Saint-Aubin, brodeur du roi, publia l'Art du brodeur, ouvrage qui détaillait les différents styles et techniques de broderie. À la fin du XVIIIe siècle, la broderie blanche de Saxe devint très prisée pour l'ornement des manchettes et des écharpes.Les broderies devinrent plus ornementales et la nature fut représentée d’une manière plus réaliste. Les fruits et les fleurs gagnèrent en vivacité et en détails. Les figures humaines étaient généralement des personnages bibliques et mythologiques (des saints, des anges et des sirènes, notamment).
Au XIXème siècle, en revanche, l’on préférait les scènes champêtres représentant bergères, troupeaux, paysans et vignerons.Ce siècle a marqué l’apogée du point de croix. Les grands progrès accomplis par la technique de l’impression (journeaux féminins), et du développement de l'industrie textile, ont permis de satisfaire une demande croissante de diagrammes et modèles : ainsi, en 1840, l’on en a publié au moins quatorze mille. L’évolution de la chimie et de l’industrie textile a également facilité le travail des brodeuses. Les fils sont devenus plus disponibles dans un grand nombre de couleurs et aux tissus habituels se sont ajoutés le coton et l’étamine. Pour la première fois, on produit les canevas Pénélope qui avec leur trame particulière incitent à broder aussi à petit et demi-point. En 1886, Thérèse de Dillmont, aristocrate viennoise, déjà membre de l'Académie de la Broderie de l'impératrice Marie-Thérèse, et fondatrice d'une école de broderie avec atelier et publications, s'associe à Jean Dollfus, grand industriel du textile, dont la maison DMC est arrivée intacte jusqu'à nous.Traduite en 17 langues, l'encyclopédie de Thérèse se vend à 2 millions d'exemplaires. Mais la fin du siècle marque aussi la fin du point de croix.
Au cours des premières décennies du XXème siècle, le point de croix amorça un déclin. Seules les écolières continuaient à l’apprendre et à le pratiquer, mais très rapidement, lorsqu’elles grandissaient, elles l’abandonnaient. Certains passaient à des techniques de broderie plus complexes et plus raffinées, tandis que d’autres rejetaient catégoriquement tout ce qui avait trait au fil et à l’aiguille. Et puis, la femme s'est engagée dans les grandes luttes du siècle qui vont l'amener à l'égalité juridique et morale avec l'homme ; elle n'a plus le temps ni l'envie de broder, et sans doute un peu honte de cette activité trop féminine.Bien que la pratique de la broderie soit devenue de plus en plus rare au cours de notre siècle, au début des années 80, ce loisir a subitement connu un regain de popularité. Le goût et la passion pour la technique du point de croix sont revenus dans la vieille Europe, par le biais de l’ Amérique du Nord, où les descendantes des pionniers ont su rendre fraîcheur et inventivité à la tradition de leurs ancêtres.